Spleen microbien 2.0

Marier agronomie et art contemporain, connaissance pointue des sols, de l’agriculture, du biotope, de la ruralité et des méthodes à la fois artisanales et scientifiques pour créer, permet à Elvia Teotski d’engager depuis une dizaine d’années un travail subtil, où elle interroge les matières, les substances organiques et cherche à repousser leurs limites.
S’appuyant sur des matériaux bruts, singuliers, naturels et délaissés qui l’entoure, l’artiste nourrit ses oeuvres de bactéries, d’algues, de boues, mais aussi d’impression alimentaires, de pommes de terre, en y faisant infuser sulfate de cuivre, agar-agar ou autre composés naturels ou chimiques. S’y dessinent ainsi de nouvelles formes, de nouveaux objets et émergent alors les questions de métamorphose, de prolifération et de déconstruction. À la fois les matières résistent au temps mais sont emprises à la détérioration, ou au pourrissement. On pourrait relever que l’artiste se concentre sur le végétal et la terre, les minéraux, la toxicité de certaines substances et la contamination des eaux et des sols et développe un corpus où la figure humaine est invisible au premier abord. Ce sont les marques de l’homme dans le paysage que l’artiste interroge, mais subtilement, avec des positions à la fois politique et
écologique, poétique et métaphysique.
Avec la fabrication et l’installation de 200 colonnes d’agar-agar elle pétrifie la gélatine et le temps, pour en créer une forêt de petites sculptures, aux silhouettes de racines ou de champignons. À l’intérieur de ces formes continuent probablement une activité de micro-organismes, les microbes étant eux-mêmes des « petites vies ». Elvia Teotski revendique avec ses oeuvres les notions de cycle et de transition puisqu’elle redonne vie à des matériaux altérés, mais elle parle aussi de la difficulté à recycler des éléments toxiques ou nocifs. Dans des états chaotiques du monde, peut-on ou ne peut-on pas les faire revivre ? De nouvelles vies peuvent elles s’ériger et déconstruire ainsi nos certitudes ?

Elvia Teotski

Née en 1983 à Toulouse (France) | Vit et travaille à Marseille (France)
Formée à l’agronomie, notamment en zone exotique, dans des régions chaudes, Elvia Teotski déplace ses diagnostics agraires et son exploration du monde dans sa pratique artistique et transforme son terrain initial de recherche en un atelier à ciel ouvert. Issue d’une famille où la ruralité fut son quotidien, l’artiste est à l’affût de petits riens, de poussières, de résidus et semble fascinée par la prolifération et la contamination, la diffusion rapide de bactéries.