Una Luna de Hierro

Une mer d’huile, à l’aube ou au crépuscule, aux doux reflets roses et bleus, et le jacassement des goélands en arrière fond… à la troisième minute du film, l’image d’épinal est rompue avec l’annonce d’un cadavre.

L’eau porte des tragédies en elle. Una Luna de Hierro, (Une Lune de Fer), filmée en 16 mm sur les terres chiliennes et les confins de la Patagonie s’inscrit dans le triste registre des drames humains : le travail forcé d’individus à bord de chalutiers, réquisitionnés pour la pêche à la crevette et au calamar, sur des durées dépassant largement les 5 mois légalement autorisés d’embarcation en mer.

Francisco Rodríguez Teare, a étudié le cinéma à l’université de Santiago de Chili, pas tout à fait convaincu par les orientations d’un style trop industriel et américanisé. Une université d’été à la Femis en 2014 agira comme un déclic et un révélateur. Il réalise son premier court métrage, inspiré par un fait-divers se passant à Paris dans la Seine. L’eau déjà… les questions judiciaires, les vies après la mort, la reconstruction de récits, animent l’artiste, qui continuera son cursus et son exploration d’un cinéma plus expérimental en passant par le Fresnoy – Studio national des arts contemporains (2017-2018). Il y développe une recherche où il adapte cinématographiquement des archives judiciaires et des points de vue multiples sur un événement.

Pour Una Luna de Hierro, c’est un agencement de témoignages oraux, de documents consignés, de portraits photographiques, de paysages désertiques, entrecoupés de poésie. Le projet prend sa source dans les textes de Chu Lizi, jeune poète chinois qui mit fin à ses jours et la lecture de la disparition de 4 pêcheurs chinois noyés à Punta Arena.

Les différentes histoires nous interrogent sur la véracité de la mémoire, la fabrication de légendes populaires et comment les paroles s’éparpillent sur un territoire. L’artiste puise également dans l’histoire collective et personnelle de son pays d’origine, où nombreux sont ceux à espérer le retour de disparus malgré des décennies d’attente…

Dans le reste de ses films ou projets vidéos, Francisco Rodríguez Teare continue de décliner son attrait pour l’eau comme matière et événement hypnotisant, avec le ballet d’amants sous des piscines naturelles, une installation en milieu sous-marin, ou son dernier film enregistrant un océan déchaîné. 

Francisco Rodríguez Teare

Né en 1989 à Santiago (Chili) | Vit et travaille entre Madrid (Espagne) et Bruxelles (Belgique).

Francisco Rodríguez Teare est diplomé du Fresnoy – Studio National des arts contemporains (2018). Son travail explore les flux du pouvoir au sein des réseaux et des territoires maritimes et lacustres. Il interroge le lien entre mémoire personnelle, mythes populaires et traditions orales. Ses récents films et vidéos ont été présentés à Art of the Real, au CPH:DOX, Courtisane, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, à VIDEONALE, à la Govett-Brewster Art Gallery, au Birkbeck Institute for the Moving Image et à la Viennale. Récemment, il a reçu le prix du meilleur court métrage au Festival de Cine de Valdivia FICV et le Grand Prix à Punto de Vista.